http://www.nature.com/nature/journal/v444/n7117/full/nature05401.html
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Japon : Umami, la cinquième saveur
Ulysse | • Mis à jour le |Par Shinji Nohara. Traduit du japonais par Junko Saïto
Tout comme la cuisine française ne se limite pas au foie gras et aux escargots, la cuisine japonaise a d'autres mets que le sushi et le sashimi. Pour mieux connaîtrel'art culinaire nippon, il faut comprendre le sens du mot umami. Si, pour les Occidentaux, les quatre saveurs fondamentales sont le sucré, le salé, l'acide et l'amer, il existe pour les Japonais une cinquième saveur essentielle : l'umami, qui signifie “délicieux”.
Lorsque nous mettons un aliment en bouche, les papilles gustatives de notre langue captent un goût sucré, par exemple. De la même façon, il existe des récepteurs spécifiques au goût umami sur certaines cellules de la langue. Comparons par exemple un fromage bien fait et un autre à la pâte trop jeune. Nous constatons que celui qui est arrivé à maturité, grâce à l'affinage, contient des protéines qui se transforment en acide glutamique doté de propriétés goûteuses et savoureuses. L'acide glutamique(1) n'est pas présent que dans le fromage. Récemment, des chercheurs ont découvert la preuve de l'existence du glutamate même dans le lait maternel. Nous le trouvons également dans le thé vert, la sauce de soja, les tomates mûres et d'autres aliments tels que le kombu (algue séchée), ingrédient indispensable à la cuisine japonaise.
Pour préparer le dashi (base de bouillon), qui est l'une des composantes de nombreuses recettes dans l'archipel, sont utilisés cette algue, de la bonite séchée (katsuo-bushi) et des champignons déshydratés (shiitake) cuits ou trempés dans de l'eau chaude. Ces aliments séchés donnent le goût umami. Comme un fond dans la cuisine française, le dashi est utilisé dans l'élaboration de nombreux plats à base de viande, de poisson, de volaille ou de légumes. En contact avec d'autres produits, tels que le sucre, le sel, le saké doux (mirin), la sauce de soja ou la pâte de haricots de soja fermenté (miso), le dashi amplifie sa propre valeur gustative. Donc, sans lui, la plupart des plats japonais ne pourraient exister.
Il semble que la préparation de la soupe japonaise soit plus simple que celle du bouillon ou consommé français. Les aliments séchés, indispensables à la soupe, nécessitent des processus complexes de préparation, qui demandent beaucoup de soins et de longs temps de séchage (au moins plusieurs mois). Par exemple, pour la bonite séchée comme pour le fromage, il faut laisser les moisissures se développer sur les filets du poisson jusqu'à maturité. Par ce processus, les protéines se décomposent plus facilement. Le séchage renforce l'effet umami.
En plus de ce goût unique et de leurs vertus antiseptiques, les copeaux de bonite dégagent un arôme spécifique comparable à celui du saumon fumé, d'une viande boucanée, d'un fromage voire d'un whisky. Ceci grâce aux opérations de fumage et de séchage répétées dix à quinze fois. Dans le dashi, la bonite séchée doit cuire brièvement, afin de ne pas perdre son umami et conserver sa senteur si caractéristique.
La principale source de l'umami réside dans l'acide inosinique présent dans lekatsuo-bushi ou le niboshi (sardine séchée) ainsi que dans l'acide guanylique présent dans le champignon shiitake. L'acide glutamique se trouve dans le kombuet les légumes, l'acide inosinique dans le poisson et la viande, et l'acide guanylique dans de nombreux champignons. Quand l'acide glutamique se combine aux deux autres, l'effet de saveur augmente. Depuis longtemps, cet effet est connu des chefs du monde entier. Pour sa soupe, un chef chinois marie des poireaux, riches en acide glutamique, à un fond de poulet, riche en acide inosinique. Un chef français prépare son fond avec de la viande de veau riche en acide inosinique et des légumes aromates, tels que des oignons ou des carottes, riches en acides glutamiques, de la même façon qu'un chef japonais associe lekombu et le katsuobushi pour son dashi.
L'utilisation d'assaisonnements fermentés riches en glutamate est répandue dans l'ensemble de l'Asie : le nam pla, sauce thaïlandaise à base de poisson, le nuoc nam au Vietnam ou encore le jan, à base d'haricots et céréales en Chine ou en Corée, en témoignent. Au Japon, l'utilisation d'une levure (le koji), très importante dans l'art culinaire, accélère la fermentation de la sauce de soja.
Pareil à la France, où chaque région a ses fromages et ses vins, le Japon recèle une grande variété de sauces de soja et de miso. Leur couleur et leur goût représentent chaque province. Selon l'usage des produits locaux, les saveurs diffèrent. Les chefs nippons, à l'instar de leurs homologues français, qui préparent soigneusement leurs fonds et leurs sauces, s'occupent avec minutie de leurdashi, du choix et de la combinaison des ingrédients. Le goût, au sens général, repose sur l'ensemble des sensations gustatives, olfactives, tactiles, visuelles, mais il dépend également d'éléments culturels, d'histoires individuelles, de l'ambiance. La cuisine japonaise est probablement étrange pour la plupart des Occidentaux, mais sans doute les Français tant attachés aux vins et aux fromages l'apprécieront mieux que quiconque.
(1) L'acide glutamique ou glutamate, qui se trouve dans les aliments naturels, n'a pas d'effets secondaires sur la santé comme peut en avoir le glutamate monosodique (MSG) ou d'autres ajouts chimiques dans les préparations industrielles.
Shinji Nohara. Traduit du japonais par Junko Saïto
Akelare in San Sebastian created Umami dishes with some success!
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