Il y a un demi siècle Ancel Keys publiait une série d'articles sur l'épidémiologie des maladies cardiovasculaires, une saga qui fera date par son ampleur et la personnalité de son auteur. Il s'agissait d'une étude observationnelle de l'alimentation comparée des populations de sept pays destinée à mieux comprendre les différences entre l'incidence des maladies cardiovasculaires et notamment celle de l'infarctus du myocarde. Il est apparu que la consommation de graisses saturées étaient associée à une plus forte incidence de maladies coronariennes. Avant même d'effectuer des études interventionnelles c'est à dire diminuer les graisses saturées dans un groupe et pas dans l'autre et observer les différences de mortalité notamment dans une population génétiquement homogène, afin de prouver une relation de cause à effet entre graisses saturées et athérome les nutritionnistes, les médecins, et l'industrie ont banni les graisses saturées. Aussitôt les recommandations officielles ont proné leur remplacement par les graisses végétales poly-insaturées, huiles de soja, de tournesol ou autre. Mais l'histoire se complique singulièrement. Par la suite pour accroître la durée de conservation de ces huiles sujettes à rancissement l'industrie inventa le processus d'hydrogénation thermique qui eu pour principal effet de nourrir les populations avec des acides gras dits trans. Ces derniers présents dans les graisses hydrogénées sont fortement athérogènes c'est bien établi.
Pour autant les graisses saturées continuaient à être diabolisées.
Le sujet était encore tabou il y a quelques années mais la vérité scientifique finit toujours par triompher des croyances ou bien des approximations de la dite science nutritionnelle en particulier celle qui consiste à confondre corrélation et cause. Il semble bien que graisses saturées et maladies coronariennes ne soient pas liés par une relation de cause à effet!
L'article de Hu est une méta-analyse c'est à dire une étude des études! Les considérations méthodologiques sont critiques dans ce genre d'exercice. Cette méta-analyse bénéficie de l'expérience des deux équipes celles de Hu à Boston et de Krauss à Oakland. Le processus de révision du papier par des pairs et le journal (l'American Journal of Clinical Nutrition) sont des gages en faveur de la rigueur du papier. Il est donc très important de comprendre ce que ces résultats signifient.
Revenons sur la nature de l'athérome.
L'athérome est le dépôt dans la paroi des artères d'une bouillie de graisses et de cellules organisée en plaques qui finissent par se rompre dans la lumière et/ou l'obstruer complètement. Le sujet est d'importance, combien de patients ont entendu de la bouche de leur médecin que "tout le monde a de l'athérome a un certain âge". C'est faux même si plus de 50% des adultes males ont des lésions athéromateuses après 50 ans.
Autre réponse mille fois entendue, celle des patients qui affirment à la révélation que leurs artères sont obstruées par l'athérome: "je ne comprends pas Docteur je ne mange pas gras".
Les maladies cardiovasculaires liées à l'athérome (MCVLA) représentent une cause majeure de morbimortalité et dans les pays développés la première cause de mortalité. Selon l'artère concernée les conséquences varient. Accident vasculaire cérébral (artère carotide), infarctus du myocarde (artère coronaire), artérite des membres inférieurs (artères iliaques ou des membres inférieurs) pour ne citer que ces localisations sont des complications communes et fréquentes de l'athérome artériel. Des progrès significatifs ont été faits dans le traitement des complications de l'athérome mais peu dans la prévention primaire. On peut retarder la survenue d'un accident par des traitements médicamenteux qui empêchent les plaquettes du sang de s'agglutiner (aspirine), ou bien les plaques d'athérome de se rompre (statines) mais peu de traitements ont révélé une efficacité dans la régression de l'athérome. En effet la dysnutrition qui résulte de la consommation d'aliments industriels est pourvoyeuse d'athérome, nous y reviendrons et en particulier pour souligner le risque de consommer des glucides rapides.
Le travail de Siri-Tarino et Hu est basé sur 21 études publiées, le suivi pendant 5 à 23 ans de 347 747 patients dont 11006 présentèrent un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral.
Dans cette méta-analyse les auteurs ne retrouvent pas de preuves que la consommation de graisses saturées augmente le risque d'infarctus ou d'accident vasculaire cérébral.
Ainsi après le premier mythe celui du cholestérol alimentaire c'est le deuxième mythe de la nutrition conventionnelle qui s'effondre. Gageons qu'il faudra encore quelques années pour que ce fait soit pris en considération dans les recommandations officielles!
Mais il y a un autre détail dans cette étude qui se révèle d'une redoutable importance pour nos choix quotidiens. Si l'on remplace les graisses saturées par un autre nutriment que se passe-t-il? Hu et collaborateurs nous disent que si c'est par une huile végétale que l'on remplace partiellement les calories consommées sous forme de graisses saturées on observe une baisse du risque cardiovasculaire alors que ce n'est pas le cas si la substitution s'effectue par des glucides en particulier des glucides à index glycémique rapide (pain, pâtes à la farine blanche). Ils soulignent cependant que cette affirmation nécessite pour être valide des étude complémentaires. Il faudra en tout état de cause des fonds non issus de l'industrie agro-alimentaire car de tels faits remettent en cause tout l'agrobusiness basé sur les céréales raffinées multivitaminées et sucrées pour tous, enfants, adultes, animaux et poissons!
Les conseils nutritionnels de prévention de l'athérome:
1/ Diminuer les calories c'est à dire mangez moins, moins de produits industriels (calculez votre indice de produits industriels et vous comprendrez), moins d'amidons et abandonnez l'idée fausse que les amidons sont des sucres lents donc pas si mauvais que cela. les amidons raffinés (farine blanche) sont diabétogènes et induisent le stockage des calories dans le tissu gras. La ration d'hydrates de carbone appelés aussi glucides doit être composée de céréales complètes ou intégrales en petite quantité. Les céréales complètes sont le riz, l'avoine, le blé ou le petit épeautre en grains à faire tremper aavnt de les cuire ou bien les produits fabriqués à partir des farines intégrales fermentées de ces céréales.
2/ Augmentez les protéines des oeufs, de la viande maigre et des poissons gras sauvages. Pour les légumineuses (pois, fèves, soja, haricots verts) évaluez votre tolérance à ces protéines et aux sucres que contiennent les graines (fort risque de flatulences chez plus de la moitié des humains). Les protéines les mieux tolérées sont celles des muscles des animaux.
3/ Augmentez les feuilles et les fleurs comestibles et variez: salades dans de grands saladiers, broccoli, choux et choux fleurs, blettes, artichauts etc.
4/ Augmentez les oléagineux crus non transformés: noix, amandes, noisettes, noix de Pécan, du Brésil, de Coco, etc.
5/ Consommez les fruits de saison crus et entiers et supprimez tous les jus de fruits fussent ils purs, bio ou multivitaminés! parmi les fruits les baies (myrtilles, mures, cassis, raisins, airelles) sont à associer le plus souvent possibles aux desserts.
6/ Quand vous ne mangez pas de poisson gras prenez un supplément d'oméga 3 longue chaîne en gélules de type huiles de chair de poisson, huile de krill dosé à au moins 500mg d'acides gras oméga 3 longue chaîne par jour (pour cela lire attentivement la notice car beaucoup de produits commercialisés sont très peu dosés, c'est à dire inefficaces et chers).
7/ Cuisez vapeur et ne grillez rien!
8/ Mangez au moins 50% de vos calories sous la forme d'aliments crus et bruts.
9/ Diminuez drastiquement les "produits laitiers conventionnels". Mangez peu de fromages en quantité et préférer les fromages au lait cru et parmi eux ceux au lait chèvre. Buvez du lait fermenté réalisé par fermentation spontanée du lait cru, ou bien du petit lait fermenté. C'est difficile à trouver mais vous en avez très peu besoin. Enfin consommez du beurre cru (à la motte dans toutes les bonnes fromageries) au lieu de toute forme de margarine même enrichie en oméga 3!
10/ Pour assaisonner préférer les citrons, l'huile d'olive, de noix ou de colza. Supprimez l'huile de tournesol et les autres huiles riches en oméga 6.
Pour ceux et celles d'entre vous qui prennent un traitement médicamenteux pour l'athérome par exemple des statines sachez que le régime méditerranéen c'est à dire les recommandations ci-dessus agissent en synergie avec le traitement et permettent la plupart du temps d'abaisser le cholestérol des LDL avec des doses de statines inférieures donc avec moins d'effets secondaires. Donc d'abord le régime méditerranéen, puis l'activité physique et ensuite les médicaments...
References
1/ Siri-Tarino et coll AJCN 2010;91:535-46
2/ Un commentaire intéressant sur le régime méditerranéen particulièrement efficace dans la prévention de l'athérome:
Guy-Andre Pelouze, MD Institut de Recherche Clinique, 64000 Pau France Send response to journal: Re: Med diet and the agrofood industry | It is of great interest to read that med diet is difficult to follow in UK for several reasons--namely, availability, prices and taste of med nutrients. Except for taste, it seems to me that these obstacles are the same on the continent, especially in urban areas either in med countries or other non med countries even Spain. To explain that one must describe the main obstacle to consuming a med diet and which is widely underestimated in the comments. The production of agriculture and breeding were so deeply transformed since WWII, that our food environment is completely different. We don't eat grassfed meat but processed products made of cornfed sedentary obese animals heavily transformed by heating, mincing, mixing, sterilising and so on. Wild meat is below 10% of fat and crops are now > 25% fat. We know that processed meat and saturated fats are a recognised factor for colon cancer and other chronic diseases. We don't eat the same cereals because they are now products made of refined corn or wheat, high temperature cooked, sugared, mixed with trans fats, with added multivitamins. Consumption of high GI foods and fructose is clearly associated with D2. We don't eat the same olive oil because med populations consume olives, non refined olive oil and a lot of wild greens or crops naturally rich in alphalinoleic acid. Instead at best we buy white salads like the iceberg one which is depleted in phytonutrients and alphalinoleic acid and we pour on it sunflower oil which is pure W6 linoleic acid. Consequently a dramatic change has occurred in the W6/W3 ratio of PUFA which is in favor of inflammation--a common final way of chronic diseases. We don't eat the same dairy products because more than 80% of them are sugared, flash pasteurised, and made with milk from cow fed cornstarch... These kind of examples are endless. But the question is: Why do we consume these foods? Is it a clear choice or a mandatory buying in the different supermarkets which sell the same industrialised products? Clearly the anwer is: the agrofood industry and the low cost of goods transportation (at least until oil reach new unsustainable prices) had standardised food in a way which is not compatible with our genome. It is impossible for our genome to adapt in only fifty years... Med diet for all demands a change in agriculture and breeding. The recent policies toward more sustainable and energy efficient farming are in favor of the med diet. Other changes need to occur and it seems to me that medicine must take charge of them. Competing interests: None declared |
http://www.bmj.com/rapid-response/2011/11/02/med-diet-and-agrofood-industry