Il y a une ambiguïté très préjudiciable à la compréhension déjà complexe de la nutrition et des effets des nutriments sur notre santé qu'il faut lever d'emblée: le bio n'est pas une assurance santé! Pour ses initiateurs au siècle dernier il s'agissait avant tout d'un projet politique concernant l'environnement. Ensuite avec les dégâts de l'alimentation industrielle chez les sédentaires humains on s'est vite rendu compte que l'alimentation avait une place importante dans la prévention des maladies chroniques et les produits de l'agriculture biologique aussi pour des raisons liées au moindre impact industriel, à l'absence de biocides et à des méthodes d'élevage extensif qui procurent des chairs et des laits de meilleure qualité.
Tout ceci est bien sur contesté par l'agrobusiness qui multiplie les initiatives pour affirmer la qualité de ses produits ou bien les supplémente avec des micronutriments manquants. Dans cette contestation de la supériorité hypothétique des aliments bio il y a trois axes principaux:
-les biocides herbicides, pesticides, fongicides et insecticides) ne seraient pas dangereux pour l'être humain aux concentrations présentes
-les aliments bio ne contiennent rien de plus que les autres
-quand c'est le cas ce n'est pas le caractère bio mais autre chose qui est en jeu, par exemple les oeufs de poule élevées en plein air contiennent des omégas 3 car elles mangent des végétaux et des vers qui en sont eux mêmes riches qu'il s'agisse de poule bio ou non...
Comme les aliments bio sont très chers, entre 30 et 50% plus chers que les non bio il y a lieu de savoir si l'allocation de ressource consentie par le consommateur est fondée ou bien s'il s'agit d'une cotisation militante.
Une revue générale en français de L Guéguen et G Pascal est parue récemment sur le sujet. Il ne s'agit pas d'une méta-analyse, on y trouve en réalité un développement des travaux américains et des conclusions un peu hâtives. Pour le reste c'est assez irrégulier et approximatif. Exemples.
Modes d'élevage et acides gras.
"Le mode d'élevage influe sur l'adiposité qui varie en fonction
de la vitesse de croissance et de l'activité physique
(parcours extérieur). Les produits animaux (lait, viande,
oeuf) obtenus en AB sont en général plus riches en acides
gras polyinsaturés, ce qui résulte du type de régime alimentaire
privilégié (herbe, fourrage vert) mais n'est pas propre
à l'élevage AB."
Il faut être clair et dans ce blog je l'ai rappelé plusieurs fois, ce qui est plus conforme à notre génomique ce sont les viandes et les laits de mammifères élevés en extensif à l'herbe. Même chose pour les deux pattes. En réalité les animaux et leur lait élevés en bio ne sont pas plus riches en AGPI (acides gras poly-insaturés) car le maïs et le soja en contiennent mais ils sont plus riches en AGPI de la série oméga 3 c'est à dire en alphalinolénique car ils sortent plus alors qu'en agriculture conventionnelle c'est l'élevage en hangar avec une alimentation au farines de céréales.
Mais nos auteurs oublient que l'élevage à l'herbe permet la rumination de la cellulose et la production d'acides gras conjugués qui ont des propriétés intéressantes sur le plan métabolique et qui sont absents des produits laitiers de ruminants nourris aux céréales.
A propos des faibles différences...
"Les teneurs en matière sèche de certains légumes obtenus
en AB ont une faible tendance à être plus élevées que
celles des mêmes légumes cultivés en agriculture conventionnelle
(AC)."
"il a été noté un faible effet positif de la culture AB sur
la teneur en vitamine C de la pomme de terre"
"Pour les phytomicroconstituants, la plupart des études
disponibles et validées concluaient à des teneurs en polyphénols
supérieures dans les légumes et fruits AB, mais pas en lycopène."
Il s'agit d'un flagrant délit de sous estimation de l'apport en micronutriments! Nous savons que cet apport est essentiel et que les aliments actuels en particulier les végétaux en contiennent moins qu'au siècle dernier principalement par l'épuisement des sols. Ainsi tout apport supplémentaire est un gain important pour la prévention des grandes maladies chroniques comme l'ont montré tant des études observationnelles qu'interventionnelles. Ainsi en achetant du bio on achète moins d'eau et plus de micronutriments. Les différences vont de 5 à 15% de différence ce qui est sensible et pourrait justifier un prix plus élevé de même qu'un bénéfice santé.
S'agissant des pesticides.
"La forte exposition des applicateurs de produits
phytosanitaires, souvent mal protégés en raison d'un
manque d'information et de formation, a conduit à
des pathologies à court et long termes comme une
faible augmentation (RR = 1,3) de certains cancers
hématopoïétiques. Cette exposition a pu être jusqu'à
un million de fois supérieure à celle des consommateurs
de produits alimentaires, en particulier végétaux.
Celle-ci est très faible et présente une marge
d'exposition ou de sécurité conséquente par rapport
aux RfD ou aux DJA définies dans un cadre largement
international au sein de collectifs pluridisciplinaires
de scientifiques aux compétences reconnues. De plus,
les restrictions apportées en matière de nombre de
molécules et de doses utilisées en AC concourent à une
réduction de ces expositions."
Les auteurs soulignent que ce n'est pas le but de l'article mais se hasardent à des affirmations qui ne sont que la répétition du discours réglementaire. En particulier l'argument mille fois répété de la sécurité absolue dans laquelle se trouve le consommateur au motif que chez les épandeurs de pesticides le risque d'augmentations des cancers est jugé faible (RR 1,33) ne peut être accepté. Tout d'abord le risque relatif est élevé 33% et c'est le risque absolu qui est faible (incidence des maladies cancéreuses). Il est dramatique de constater qu'une telle affirmation ait pu passer la barrière du comité de lecture! En effet un médicament qui diminue le risque de 33% est jugé très efficace même si la maladie est rare surtout qu'en la matière il s'agit d'un risque réellement mesuré et non d'un essai clinique exposant au risque de l'hypothèse nulle.
A propos des allergies
Les auteurs sont franchement en contradiction avec la littérature. Les allergies sont plus fréquentes chez nos enfants que chez ceux du siècle dernier. L'hypothèse hygiéniste est la plus probable et l'usage intensif des antibiotiques en médecine humaine ET animale y est pour quelque chose. Ce qui ressort des données assez limitées de la littérature c'est que les produits laitiers bio seraient à l'origine d'une diminution des allergies chez l'enfant! Ils contiennent plus d'oméga 3 qui sont anti-inflammatoires, des acides ras conjugués et plus de bactéries lactiques agissant comme probiotiques. Par ailleurs l'augmentation alléguée par les auteurs des allergies chez les enfants consommant des végétaux bio au motif qu'ils contiendraient plus de protéines de défense supposément allergisantes n'est soutenu par aucune série robuste dans la littérature;
Conclusion.
Ce commentaire n'est pas une revue de détail sur les produits de l'agriculture biologique et ses avantages en matière de santé. Il faut rester pragmatique et factuel. Il est plus important de ne pas fumer et de faire de l'exercice que de manger bio.
Manger bio n'efface rien des méfaits du tabac de la sédentarité. Manger bio avec des index glycémiques élevés et en particulier se bourrer de céréales bio est diabétogène.
En revanche pour ceux et celles qui ont éliminé les principales addictions les produits bio permettent:
-d'augmenter le plaisir car ils sont jugés à plus de 75% plus gouteux
-de diminuer la charge en xénobiotiques essentiellement hébergés par notre tissu adipeux
-d'augmenter leurs apports en acides gras oméga 3 (oeufs et viandes bio)
-de pouvoir acheter des aliments bruts absents du commerce classique comme les fruits séchés, les noix les plus variées, les algues les aliments fermentés.
Cependant les aliments bio sont très chers et ce par manque de concurrence car les rendements tendent à s'égaliser sur plusieurs années avec des frais d'achats de semences et d'intrants beaucoup plus faibles. Leurs bénéfices en terme de santé sont difficiles à différencier en l'état actuel des connaissances des cofacteurs de la consommation de ces aliments qui sont essentiellement un mode de vie plus sain chez ces consommateurs.
Seules des études comparatives plus précises de la composition des aliments et surtout des essais contrôlés peuvent établir un tel bénéfice s'il existe. Il ne faut pour autant pas en sous estimer les difficultés. Par exemple un certain nombre de modifications épigénétiques sont liées à certaines caractéristiques du régime alimentaire ou de certains xénobiotiques. Il est encore difficile de les mettre en évidence. Il s'agit d'un sujet extrêmement important car ces mêmes caractéristiques épigénétiques peuvent s'avérer transmissibles...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire